Forum des élèves de Polyphonies, école à distance d'écriture musicale et de composition.
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Bonjour Jean-Luc,
Plusieurs questions me viennent suite à votre dernière correction.
Tout d'abord, concernant ce chromatisme qui ne fonctionne pas, l'autre analyse que je proposais dans le mail en marge de mon envoi, qui conserve les mêmes hauteurs de notes mais sur II7 de la mineur (soit si- mi bémol - fa - la), pouvait-elle convenir, dans le présent contexte d'écriture seconde moitié XIXème, en dépit de la 7ème non préparée d'accord secondaire ?
Vous indiquez un souci de conduite des voix (''imaginer ce que cela donnerait avec 2 timbres différents d'instruments") : n'est-il pas imaginable qu'un instrument joue la (=sol double dièse), sol dièse, la et un autre fa suivi du schème du conséquent plus dans l'aigu. Autrement dit avec croisement de voix ? Par exemple violons 1 vs. 2 ou encore clarinette vs. hautbois ?
Vous indiquez aussi que la 9ème mineure mi - fa est trop dure : ceci reste t-il vrai malgré la présence de fa à la mesure précédente, certes pas à la voix de ténor mais à celle d'alto. Cette préparation de cet intervalle de 9ème (analysé ici comme appogiature et non pas comme 9ème d'un V9) ne suffit-elle pas à ''adoucir'' les contours de cet intervalle tout en laissant apparaître juste ce qu'il faut de sa "personnalité rude" ? Ou suis-je déjà dans un style plus moderne pour penser cela ?
Mon autre question concerne l'enchaînement d'accords secondaires repris sur les 2 images qui suivent.
Que voulez vous dire par : "ces successions d'accords secondaires n'ont pas d'intérêt dans ce langage" ?
A bien y réfléchir, j'ai l'impression, et ce également en lisant votre remarque sur les degrés 6 et 7 de mi mineur qui restent tous minorés et qui mettent peu en valeur ce mode comme vous le mentionner, que la bonne analyse de ce passage est plutôt la suivante : on a bien une cadence rompue nous amenant à l'accord VI de mi mineur. Par contre, après le silence, ne tonulons nous pas en sol majeur par l'accord VII7 avec une cadence nous amenant sur IF ? Auquel cas les notes précédemment analysés comme degrés 6 et 7 de mi mineur restant minorés deviennent naturellement les degrés 4 et 5 de sol majeur.
Enfin concernant la superposition la - si - do - ré dièse de la mesure 13 dont vous dites ''on n'est pas loin de Ligeti '' : je la conserve ?
Merci de vos lumières.
Pascal
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- Un degré II pour commencer un prélude n'aurait pas beaucoup d'intérêt dans le langage de Wagner.
- Le croisement de voix pour contourner ce problème est une fausse bonne solution Pour que cela fonctionne, il faudrait des timbres très différents: des cordes face à un cor par exemple. Mais le problème reste là même si les timbres diffèrent. Si l'on emploie un croisement de voix, il faut le faire dans un contexte polyphonique clair, correct et sans ambiguïté .
- Cette neuvième mineure sonne durement en tant que telle, même préparée. Elle n'a pas d'intérêt expressif particulier comme elle le ferait dans un chant. Dans Stravinsky, elle conviendrait mais elle ne sera pas isolée. Tout le contexte serait différent. Personnellement, je l'éviterais.
- Si vous regardez de près ( ce que vous avez bien fait d'ailleurs ) les harmonies de Wagner, vous constaterez que les accords V ou VII sont omniprésents. On trouve parfois un accord II ou VI mais jamais trois accords secondaires à la suite. Son langage est en effet basé sur la recherche d'une tension constante. Votre enchaînement conviendrait si l'on était dans Chopin, qui cherchait lui à échapper à l'omniprésence des articulations cadentielles.
- Effectivement, on passe en sol majeur au lieu de rester en la mineur.
- J'avais trouvé cet accord "ligetien" un peu dur dans ce contexte romantique du langage de Wagner. Il vaudrait donc mieux l'adoucir un peu..
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Merci Jean-Luc pour toutes ces explications !
Et comme dans beaucoup de discussions, plus on creuse le sujet, plus cela amène d'autres questions
Tout d'abord, concernant le langage de Wagner, on pourrait donc dire, si j'ose un raccourci, que son art repose sur une harmonie relativement conventionnelle vs. Chopin (cf. omniprésente des accords V et VII) mais extrêmement colorée de chromatismes. On entend souvent dire qu'il a grandement contribué à ''faire exploser le système tonal" et donc entamé le cheminement vers la seconde école de Vienne. C'est donc plus grâce à l'exacerbation du chromatisme que par la diversification des enchaînements harmoniques ?
Pourquoi parler vous d'un intérêt expressif particulier de l'intervalle de neuvième mineur dans le chant (donc sous-entendu pas dans la musique instrumentale) ?
Si la bonne analyse du fragment repris sur les images 2 et 3 du message initial est effectivement en sol majeur, les accords ne sont plus secondaires et l'on retrouve un enchaînement VII - I. Cela ''remet-il en selle'' ce fragment ? (vous l'auriez sans doute signalé )
Enfin pour conclure, en marge de ce Prélude mais question d'intérêt général : le langage de Wagner, tel qu'abordé dans Tristan, a t-il encore évolué au moment où il écrit Parsifal ? Cette question me vient car je pense à un grand passage orchestral de Parsifal où Wagner donne une impression que je qualifierais "d'univers en perpétuelle expansion" et où l'on ne sait plus bien dans quelle tonalité on se trouve tellement cela change vite (ce qui induit cette impression).
Au plaisir de vous lire
Pascal
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-Effectivement, le langage de Wagner est plus "conventionnel" que celui de Chopin car il reste dans la lignée de l'harmonie classique qu'il repousse les limites. Après les tonulations à chaque pulsation avec des accords chromatisés, il sera difficile d'aller plus loin dans cette direction. Chopin et à sa suite, Debussy sortent de ce cadre..
- C'est plutôt à la ligne mélodique (qui chante) que je pensais en parlant de la 9ème, c'est-à-dire lorsque l'intervalle est généré par une logique mélodique (schème expressif par exemple). Ici, elle ne fait que renforcer l'harmonie et en ce sens a peu d'intérêt.
- Un des éléments clé du langage de Wagner est une recherche constante de la tension: des accords V ou VII, toujours en tension donc, des successions d'accords dissonants, la résolution d'une dissonance n'apporte pas de détente puisque le nouvel accord comporte une autre dissonance.. Je n'ai pas la partition de Parsifal sous les yeux, aussi il m'est difficile de répondre précisément. Mais il est évident que le sujet de l'opéra et l'expérience de Wagner ont une incidence sur l'évolution de son langage.
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