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La basse chiffrée en harmonie

Les traités d’harmonie classique comme ceux de Dubois, Bitch ou Challans, ont repris la technique de la basse chiffrée pour chiffrer les accords. La basse chiffrée consiste, je le rappelle, à placer un chiffrage au-dessous de la note de basse permettant d’identifier l’accord. Lire l’article

Les traités d’harmonie classique comme ceux de Dubois, Bitch ou Challans, ont repris la technique de la basse chiffrée pour chiffrer les accords. La basse chiffrée consiste, je le rappelle, à placer un chiffrage au-dessous de la note de basse permettant d’identifier l’accord.

Ces chiffres correspondent aux intervalles compris entre la note de la basse et les autres notes de l’accord et permettent ainsi de reconstituer l’accord. Toutefois, comme nous l’avons vu dans l’article sur la basse continue, la basse chiffrée, conçue pour des accompagnateurs, a ses limites. Elle ne permet de connaître ni le degré de l’accord, ni le mode et la tonalité dans lesquels celui-ci évolue, éléments essentiels pour l’analyse musicale ou même la simple compréhension de la musique. Pour ces raisons, nous ne l’utilisons pas dans nos cours d’harmonie. Nous avons préféré en effet, à l’instar des pédagogies basées sur l’analyse, le chiffrage romain des degrés, plus simple et plus précis [1]. D’ailleurs, en raison des limites de la basse chiffrée, des pédagogues comme Jacques Chailley ont cherché à l’améliorer en indiquant les renversements à l’aide de chiffres supplémentaires.

La compréhension de la basse chiffrée pourra néanmoins vous être utile, comme par exemple dans le cadre d’un examen d’harmonie. Même si ces chiffrages peuvent parfois sembler complexes, notamment pour les accords de neuvième, et peu pratiques, le principe de la basse chiffrée en harmonie est assez simple. Cette présentation de la basse chiffrée devrait vous permettre d’en mieux discerner la logique.

Principe de la basse chiffrée

Chaque chiffre placé sous la note de basse indique un intervalle compris entre cette note et une des autres notes de l’accord. Tous les intervalles ne font pas nécessairement du chiffrage. Seuls figurent ceux qui caractérisent l’accord. En effet, le but de la basse chiffrée est d’identifier précisément un accord avec un minimum de chiffres. A noter que la position des accords n’est pas donnée par ce chiffrage. Les notes peuvent être placées à n’importe qu’elle hauteur mais les enchaînements d’accords en conformité avec les règles mélodiques et contrapuntiques classiques. Si vous étudiez l’harmonie à Polyphonies, il suffit d’ordonner les notes de l’accord comme vous le faites habituellement.

Avant d’aller plus loin, voici quelques conventions qui font usage pour la réalisation d’une basse chiffrée :

- Les chiffrages sont toujours donnés en fonction de l’armature. Les altérations accidentelles sont ajoutées devant le chiffre correspondant.
- Pour indiquer qu’il n’y a pas d’accord, on place généralement un zéro sous la note de basse.
- Les intervalles de quinte diminuée ou septième mineure diminuée se représentent en barrant le chiffre 5 ou 7.
- Lorsque la sensible est présente dans l’accord, on l’indique par le signe + avant le chiffre correspondant. Si le signe + est isolé, cela signifie que la sensible est la tierce de l’accord. Attention à ne pas confondre ce chiffrage avec celui d’un intervalle augmenté.

Chiffrage des accords à 3 sons

Tous les intervalles ne sont pas représentés par un chiffre même s’ils figurent dans l’accord. Seuls font partie du chiffrage ceux qui sont nécessaires à l’identification de l’accord. Dans l’accord à 3 sons, les chiffres 3 et 8 sont exclus du chiffrage, les intervalles de tierce ou d’octave n’étant pas suffisamment significatifs de ces accords. Leur absence du chiffrage ne nuit nullement à l’identification de l’accord.

Si l’on détaille toutes les positions [2] des accords à 3 sons, il est facile de retrouver leurs intervalles caractéristiques.

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Positions des accords à 3 sons

- Les 3 positions possibles d’un accord F, en fondamentale, sont 8, 3 et 5. Les chiffres 8 et 3 n’étant pas significatifs, le chiffre 5 caractérise à lui seul l’accord en fondamentale. A noter que l’on peut aussi représenter cet accord dans indiquer de chiffrage sous la basse. Si une altération isolée figure sous la basse, on l’applique à la tierce de l’accord.
- Les positions de l’accord a, c’est-à-dire en premier renversement, sont 3, 6 et 8. C’est donc le chiffre 6 qui caractérise ce renversement. L’accord en 1er renversement est aussi appelé accord de sixte.
- Celles du second renversement sont 6, 4 et 8. Les chiffres 6 et 4 sont donc les intervalles caractéristiques ici. En harmonie classique, 6/4 est le chiffrage traditionnel du second renversement

Accords comportant des quintes et quartes, augmentées ou diminuées.

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Accords comportant des 5 ou 4, augmentées ou diminuées

La quinte des accords VII en majeur, ainsi que II et VII en mineur est diminuée. Ces accords en fondamentale sont chiffrés par un 5- (5 barré obliquement). Le chiffrage des renversements est identique à ceux des autres accords à 3 sons : 6 et 6/4.

La quinte de l’accord III en mineur est augmentée. L’accord se chiffre #5. Le chiffrage des renversements est également identique à celui des autres accords à 3 sons : 6 et 6/4. Bien que cela ne soit pas très logique, on précise pas dans cet accord en second renversement que la quarte est diminuée.

Voici donc tous les chiffrages possibles des accords à 3 sons :
- 5, 5-, #5 : accords en fondamentale
- 6 : accord en 1er renversement
- 6/4 : accord en second renversement.

Classification des accords

En harmonie classique, les accords sont classés en fonction de la qualité des intervalles qui les forment. En effet, les tierces des accords peuvent être majeures ou mineures et les quintes justes, diminuées ou augmentées. Les accords ayant la même identité sonnent de la même façon et font partie de ce l’on nomme une espèce.

Il y a quatre espèces d’accords à 3 sons :

- Accords de 1ère espèce : la tierce y est majeure et la quinte juste. Il s’agit des accords I, IV et V en majeur ; V et VI en mineur.
- Accords de 2ème espèce : La tierce y est mineure et la quinte juste. Il s’agit des accords II, III, VI en majeur ; I et IV en mineur.
- Accords de 3ème espèce : La tierce y est mineure et la quinte diminuée. Il s’agit des accords VII en majeur ; II et VII en mineur.
- Accords de 4ème espèce : La tierce y est majeure et la quinte augmentée. Il s’agit de l’accord III en mineur.

Exemple de basse chiffrée.

L’harmonisation ci-dessous est réalisée avec des accords à 3 sons. J’ai utilisé le chiffrage des degrés romains que nous utilisons à Polyphonies. Outre les degrés des accords, nous indiquons aussi leur position (intervalle basse /soprane). Elle est essentielle car elle met en valeur la relation entre les deux voix extrêmes. Les renversements des accords à 3 sons sont symbolisés par les lettres a ou b. Lorsqu’aucune lettre ne figure à côté du chiffre romain, nous sommes en position fondamentale, qui peut aussi être indiquée par la lettre F.

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Exemple de basse chiffrée

Au dessous, la technique de la basse chiffrée est appliquée à cette harmonisation. On obtient une ligne de basse et un chiffrage. Dans le cadre d’un exercice d’harmonie de basse chiffrée, c’est l’énoncé de l’exercice, c’est-à-dire. Dans ce cas, il s’agit d’une basse donnée, la position des notes du soprane et des voix intermédiaires étant libres.

Le 1er accord noté 5 est un accord en fondamentale. Les 3 accords suivants sont en premier renversement. Le 5ème accord est en second renversement et les deux derniers en fondamentale. A noter que pour ces deux derniers accords, il ne s’agit pas de deux positions 5 successives au sens où nous l’entendons dans nos cours. On aurait pu aussi omettre le chiffrage 5 pour indiquer les accords en fondamentale.

Notes

[1] Pour mettre en évidence le parcours tonal de la pièce, nous y adjoignons également la tonalité et le mode dont dépend l’accord.

[2] La position d’un accord correspond à l’intervalle entre les deux voix extrêmes, ici entrela basse et le soprane.

    Jean-Luc KUCZYNSKI
    Jean-Luc KUCZYNSKI est compositeur et professeur de composition musicale depuis 1988 aux ACM et depuis 1999 à l’école d’écriture et de composition Polyphonies.
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