Forum des élèves de Polyphonies, école à distance d'écriture musicale et de composition.
Vous n'êtes pas identifié.
Bonjour
Je travaille cette fugue de Bach BWV 846 869 Premier cahier n° 24 Si mineur 4 voix
Il s'agit de l édition Breitkopf revue par Bruno Mugellini
à la 4è mesure dans l'exposition du contre sujet,il y a un do bécarre qui forme triton avec le fa# ,çà me dérange un peu je travaille toujours avec cette édition car elle est très intéressante et Mugellini reprend d'ailleurs ce bécarre dans ses explications
J'ai vérifié dans l'édition Adolphe Wouters que je n'aime pas (l'édition) et il met un do#
Vous avez certainement analysé cette fugue Quelqu'un peut il me dire ce qu'il en pense?
Merci
Hors ligne
C'est un très bon exercice d'analyse pour ceux qui sont en composition. Je leur laisse un peu la parole en attendant de mettre mon grain de sel.
J'avais déjà noté sur cette partition un petit parallélisme d'octaves mesure 6. Je ne devrais peut être pas le dire Il faut le dire, c'est très rare chez Bach..
Hors ligne
Merci Jean Luc d'avoir jeté un oeil sur l'atelier d'analyse
C'est quelque part rassurant de constater que Bach faisait parfois des fautes
Dernière modification par galgo (26-05-2015 14:31:50)
Hors ligne
Bonjour,
galgo a écrit:
C'est quelque part rassurant de constater que Bach faisait parfois des fautes
Que lis-je ? Tout mon univers s'écroule ! Je vais en référer à mon responsable Qualité, qui se prénomme ... Jean-Sébastien ! (je n'invente rien!)
Hors ligne
Il faut avant tout considérer l'écriture de cette fugue qui est très dissonante (dissonances sur toute la pulsation accentuées par les grands intervalles) dans un mouvement très lent. On peut commencer cette recherche en considérant l'aspect harmonique de ce passage. La pulsation est la croche. Les changements harmoniques se font en effet à la croche. En début de la mesure, nous sommes en fa#mineur et on passe à la fin de celle-ci en mi mineur. Dans le passage concerné, un do# implique que l'on passe en si mineur tandis qu'un do bécarre que l'on est en mi mineur.
Sur la première pulsation du troisième temps (il y a deux pulsations par temps), nous sommes toujours en fa#mineur avec ré- si sol#. Si et la au posé de la seconde pulsation de ce temps nous laissent penser que l'on est sur V7 de mi mineur. Le do bécarre devient alors une 9ème mineure et on serait sur V9. Sur le troisième temps, on reste sur le même degré V, mi étant une dissonance sur toute la pulsation résolue sur la sensible.
Avec un do# l'analyse n'est pas convaincante. On serait sur un accord IV9 de fa# mineur ce qui serait très étonnant dans le langage de Bach et dans ce contexte précis.
Cela dit, la 9ème mineure est elle-même assez surprenante. Elle n'est ni préparée, ni résolue. Je l'ai dit maintes fois dans les cours et sur ce forum: la 9ème mineure est une dissonance très intense, qui peut être dure si elle est mal employée mais qui amène souvent des sommets expressifs chez les grands compositeurs. Ici, elle a un caractère très douloureux renforcé par la dissonance sur toute la pulsation qui la suit (mi).
Lorsque l'on joue cette fugue, il faut donc mettre en avant son expression douloureuse. Le tempo largo très lent se pulse à la croche.
Nous aurions pu aussi rechercher dans la pièce des imitations de ce schème. Or, celui-ci n'est jamais repris ce qui étonnant car nous sommes dans une fugue.
Voici un lien vers une édition contemporaine de Bach. On ne sait pas exactement qui l'a copiée. Ce peut être Bach, sa femme, son fils Wilhelm ou un élève. Cela ne signifie pas obligatoirement que c'est la version originale car une erreur de copie est toujours possible.
http://javanese.imslp.info/files/imglnk … WV_869.pdf
Hors ligne
Merci Jean Luc pour ces explications c'est passionnant !
En étudiant cette fugue,je m'aperçois qu'en fait ce n'est pas tant le do bécarre qui me dérange mais le frottement de ce do avec le do# du ténor( suivi de la sensible donc majoré enfin je pense puisque la 2è pulsation de ce 3è temps est en mi mineur,il y a aussi la réponse tonale qui n'irait pas avec un do bécarre..... c'est pour ma compréhension personnelle car je ne suis pas encore au niveau du cours de composition mais comprendre l'oeuvre c'est mieux la jouer)
Peut être que mr Wouters a mis un do# pour éviter une fausse relation? Nous ne le saurons pas....Peu importe
Cette analyse à la croche m'aide bien dans cette fugue longue et ardue mais très belle
Merci pour le lien de cette édition contemporaine
Hors ligne
"JLBellier "Que lis-je ? Tout mon univers s'écroule ! Je vais en référer à mon responsable Qualité, qui se prénomme ... Jean-Sébastien ! (je n'invente rien!) "
Qu'en pense votre responsable "qualité"?
Hors ligne
Je ne comprenais pas de quel do# vous parliez car j'ai répondu en consultant ma partition, édition de Breitkopf. Je comprends qu'il vous gêne car il y a une fausse relation qui ne s'explique pas. Mais dans ma partition, et c'est pareil dans l'autographe, il y a un si au lieu de ce do#. Toute mon explication repose sur ce si à la basse, d'où l'accord V9 si ré# fa# la do.
Avec un do# au lieu de si à la basse, le do bécarre de la mélodie n'est plus très cohérent. Un do# y serait plus logique. Le do#à la basse se justifie par l'imitation semblable du sujet au ténor, la réponse. Mais dans une fugue, on effectue souvent une mutation dans la réponse, Bach procède ainsi la plupart du temps. Etudiez les sujets et réponses des fugues du Clavier bien tempéré. Le principe de la mutation consiste à modifier un seul intervalle dans la réponse, extension ou réduction, afin de préparer l'arrivée du nouveau ton, parfois au contraire afin de repousser cette modulation ou tonulation vers la fin de la réponse, choix qui dépend du sujet. Ce si au ténor se justifie donc par le procédé de la mutation d'autant plus qu'il n'y a pas d'autre intervalle de modifié dans la réponse. Cela signifie qu'il n'y a pas d'erreur de copie dans l'autographe. Le contraire aurait d'ailleurs été étonnant.
On peut imaginer comment Bach aurait été amené à placer ce do bécarre. Cela n'engage que moi Imaginons que Bach ait dans un premier reproduit le sujet en imitation semblable dans la réponse. Au troisième temps, la réponse comporte donc ré-do# au 3ème temps. Il écrit ensuite son contre-sujet, dans lequel la et do# conviennent tout à fait. Il décide ensuite de placer sa mutation dans la réponse en remplaçant do# par si. On entre ainsi un peu plus tôt en mi mineur avec l'accord V7. C'est très cohérent dans le cadre d'une mutation de fugue. Il lui reste le do# à gérer. Comme nous sommes passé en mi, mineur, un do bécarre s'impose, une 9ème mineure très expressive qui a eu l'heur de lui plaire.
Voilà un beau sujet d'article pour le Mensuel de Polyphonies.
Hors ligne
Merci Jean Luc, je n'avais étudié que les inventions au cours d'analyse et vos explications éclairent bien ma lanterne
Je me demande si mon édition est bonne quand même vu que la vôtre ne comportait pas ce do# à la basse,je vais revérifier toutes les fugues( ) par rapport à l'autographe car en regardant de plus près (ce que je n''avais pas fait hier en me braquant sur ce do bécarre....Je n'avais pas vu le si à la basse...) j'ai constaté une 2 è erreur dans mon édition....Ed Breitkopf n°2374 "Muggelini" "Ad Arrigo Boito, il revisore" Copyright 1908 1936
Dans ma capture d'écran à la mesure 10,au 3 è temps, le ré bécarre du soprano ne figure pas sur l'autographe celui de la basse non plus alors qu'en est il du ré sopr 4 è temps ..
Rassurez vous, je ne vais pas vous exposer toutes les fugues mais je suis contente d'avoir posé cette petite question du do bécarre qui aboutit sur une remise en question de mon édition qui était ma bible jusqu'à aujourd'hui et un article du mensuel qui pourra intéresser vos étudiants
Merci encore
Je reviens sur mon message de ce matin car finalement ce 2è ré # de la mes 10 ne va pas car on va vers fa# mineur ........?
Est ce que tout simplement la personne qui a recopié l'autographe n'a pas indiqué le bécarre car c'était d'office un ré naturel s'il n'était pas diésé même dans une même mesure...?c est à confirmer bien entendu c'est une supposition
Etait ce une pratique d'époque de procéder ainsi?
Le pose la question au(x )spécialiste(s)
Ce n'est qd même pas possible que mon édition soit pleine de fautes car ce phénomène se reproduit souvent dans ce que j'aI lu aujourd'hui,donc pas tout lol
C'est peut être une évidence pour certains mais je n'ai pas souvent consulté d'originaux...
Merci à tous ceux qui me répondront
Dernière modification par galgo (28-05-2015 17:45:00)
Hors ligne
Dans mon édition à la mesure 10, j'ai bien également ce ré bécarre du soprane qui est très logique si l'on est en fa# mineur. Un ré# signifie que l'on est fa# majeur. Mais peut on se fier aux altérations du manuscrit autographe? En effet, le premier sol au soprane de la mesure 4 ne comporte pas de #. Difficile d'analyser ce passage autrement qu'en fa# mineur... J'avais pensé comme vous dans un premier temps pour ce ré bécarre de la mesure 10 que les altérations ne valaient que pour une seule note dans la mesure mais le sol naturel de la mesure 4 ne être qu'une erreur.
Il faudrait consulter d'autres manuscrits de l'époque de Bach....
En voilà un autre :
http://conquest.imslp.info/files/imglnk … 089603.pdf
Le manuscrit est de Peter August. Il date d'environ 1760-1780. Sol#-si et do bécarre figurent à la mesure 4. Mais pas le ré bécarre de la mesure 10
un rectificatif: il y aurait deux intervalles de modifiés dans la réponse. Cela arrive parfois dans les fugues de Bach (fugues 7 et 8 de ce livre 1)
Hors ligne
Voilà donc une histoire qui finit bien
Je ne vais pas investiguer plus dans les autographes ( d'autant plus qu'adobe reader me joue des tours....) j'aurai plus facile comme les élèves avancés de comprendre mieux quand j'analyserai les fugues.. mais avant çà le canon
Merci d'avoir pris le temps j'ai appris bcq ds ces recherches
Dernière modification par galgo (29-05-2015 18:34:37)
Hors ligne
Bonjour à tous,
Je reviens sur cette fugue, après lecture de l'article que Jean-Luc lui a consacré dans le Mensuel, pour une question subsidiaire cf. image ci-dessous
La 9ème dont il est question dans l'accord V9 n'est ni préparée ni résolue en liaison avec l'expressivité (et compte-tenu de la science de l'écriture de Bach )
Si nous employons (exceptionnellement ) une 9ème dans nos exercices de composition, faut-il :
- préparer/résoudre la 9ème en plus de la 7ème ?
- ou la présence de la 9ème prenant en quelque sorte le pas sur celle de la 7ème ne faut-il s'atteler à préparer/résoudre que celle des deux notes formant le plus grand intervalle avec la fondamentale de l'accord ?
Merci bien
Pascal
Hors ligne
Vous avez le temps de vous préparer car nous n'emploierons pas de 9ème avant d'aborder Wagner (sauf lors des sessions d'arrangement et dans autre langage, beaucoup plus libre).
La 9ème est assez contraignante car elle doit être préparée sur la même note et résolue en descendant. S'il y a aussi la 7ème, sa résolution et éventuellement sa préparation restent de mise.
Hors ligne
Merci bien Jean-Luc pour ces précisions
La 9ème est donc très contraignante mais inutile d'en chercher chez les premiers romantiques
Pascal
Hors ligne
Pages: 1