#1 20-08-2014 08:56:17

olicha
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[C48] unicité de l'harmonie dans une pulsation

Bonjour,
Quelque soit le temps que j'ai passé à analyser une pièce, c'est quand je dois en écrire une imitation que je me rends vraiment compte de ce qu'elle contient.
Aujourd'hui je bute sur le parcours tonal du 4e divertissement car l'enchaînement du Ve (ou VIIe) degré de Sol mineur au Ve (ou VIIe) degré de Fa Majeur sonne très mal chez moi. Mais lorsque je regarde comment Bach a négocié ça, je me dis qu'il y a arnaque sur cette règle d'un accord par pulsation:
http://www.polyphonies.eu/forum/images/img0575.png
Même si l'analyse du premier temps de la mesure d'arrivée peut considérer un unique accord de Do 7e de dominante (on a le droit, nous, d'amener un accord b comme ça?), l'oreille entend franchement une cadence parfaite en Sol mineur. Je serais même tenté d'analyser toute la mesure comme un Ir degré de Sol mineur où le Do de la basse serait une appogiature du Ré et celui de la partie intermédiaire comme une anticipation à résolution retardée. Bien sûr, après, on se retrouve sur un premier degré de Fa Majeur sans avoir "officiellement" frappé un Ve ou un VIIe degré. Il est juste évoqué en notes fonctionnelles.
Bref, pour accorder mon analyse (que je dois conserver dans ce que j'écris) au parcours tonal que mon oreille entend, j'aurais tendance à vouloir placer deux accords sur ce premier temps.
Quelle règle doit-on enfreindre pour passer cette barre de mesure?

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#2 21-08-2014 09:32:16

Jean-Luc
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Re: [C48] unicité de l'harmonie dans une pulsation

Il n'y a aucune règle à enfreindre ici. Il n'y a d'ailleurs pas de règle du tout. Il importe avant tout d'être rigoureusement logique et Bach l'est toujours. Vos observations sont justes. Toutefois, je ne souscris pas à vos conclusions.

Dans votre analyse de l'accord d'arrivée, vous oubliez un élément essentiel, le mi bécarre, sensible de fa majeur dont l'altération ne se justifie pas dans l'accord I de sol mineur. Cet élément seul nous indique que l'on est sur l'accord V de fa majeur. La position b est très bien amenée puisqu'il y a un mouvement contraire conjoint avec le soprane.

En même temps, vous avez vu juste en concluant que l'on perçoit une cadence parfaite et l'arrivée sur un accord I de sol mineur. Car en effet Bach est souvent très ambigu harmoniquement. Si l'on suit le déroulement dans le temps, note après note, on perçoit d'abord une arrivée sur I de sol mineur mais dès que do et surtout mi bécarre arrivent, on penche plutôt pour V de fa majeur ce que confirme l'arrivée sur l'accord de tonique de ce ton. On retrouvera souvent ce type d’ambiguïté dans les pièce de Bach.


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#3 21-08-2014 10:17:54

olicha
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Re: [C48] unicité de l'harmonie dans une pulsation

Merci Jean-Luc. Je me rends au mi bécarre.
Pour le second renversement, j'avais retenu qu'il fallait un mouvement contraire conjoint des deux côtés, mais dans le même sens (continu conjoint?). Si on peut considérer que le Sol au posé de la basse va ensuite au Fa du posé suivant, je m'attendais à ce que le soprano doive monter au La.

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#4 22-08-2014 10:47:15

Jean-Luc
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Re: [C48] unicité de l'harmonie dans une pulsation

Pour l'arrivée sur un accord en second renversement, le mouvement contraire conjoint ou oblique  à la basse suffit. Le mouvement contraire/ continu conjoint est ce que nous préconisons pour la quinte et l'octave entre les deux voix extrêmes. Justement me direz vous, il y a une octave ici qui n'est donc pas correctement employée?
Il faut bien comprendre l'objectif de cette "règle". Le mouvement contraire/ continu conjoint  entre les deux voix extrêmes atténue la perception de l'octave ou de la quinte. Dans une polyphonie, ces deux consonances très fortes appauvrissent considérablement les mouvements mélodiques. Les consonances fixent tandis que les dissonances amènent le mouvement. Mais ici, Bach ne tenait pas nécessairement à ce que l'on ne les perçoive pas puisqu'il y a une tonulation.

Cela dit, nos amis Durand, Bitsch et Dubois ont du perdre quelques cheveux en voyant ce parallélisme d'octaves sol-fa entre les notes au posé des voix extrêmes. Heureusement à Polyphonies, ils sont plus cools puisque la consonance à la base (mi bécarre) supprime ce parallélisme wink


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#5 25-08-2014 09:30:19

olicha
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Re: [C48] unicité de l'harmonie dans une pulsation

Concernant l'arrivée sur l'octave, votre explication, qui me convient tout à fait, se situe au-delà de ce que me permet mon oreille interne. Quand j'écris ces pièces, je n'entends l'harmonie qu'en arpégeant mentalement les notes simultanées et je n'arrive pas à estimer la dureté d'une dissonance ou la pauvreté d'une consonance. D'où certaines surprises dans les passages que ma faible technique pianistique me permet de jouer et d'entendre réellement. J'espère que ça s'améliorera avec le temps, sinon je ne serai jamais sûr d'avoir raison d'enfreindre une règle.

Concernant la gestion des octaves et quintes parallèles, c'est bien la nouvelle version que j'ai le plus facilement assimilée parmi toutes les petites différences que j'ai rencontrées entre ma formation initiale et Polyphonies. A la décharge de Dubois et Bitsch (les deux seuls que j'ai pratiqués, respectivement pour l'harmonie et le contrepoint), ils n'ont pas, me semble-t-il, de notion de pulsation ni d'unicité de l'harmonie à l'intérieur de la pulsation. Du coup, j'aurais dû chiffrer chacune des doubles croches de la basse (Sol 5, Do 65, Ré 64, Mi 6 et Fa 5), ce qui aurait également autorisé les deux octaves puisqu'elles auraient été séparées par pas moins de 3 accords différents.
La notion de pulsation, que j'ai découverte avec Polyphonies, a vraiment constitué une petite révolution dans ma façon d'analyser une partition. J'ai l'impression d'y voir beaucoup plus clair là où avant j'accumulais des changements d'accords.

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#6 26-08-2014 09:17:54

Jean-Luc
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Re: [C48] unicité de l'harmonie dans une pulsation

L'association pulsation / harmonie est essentielle en effet. A partir d'elle se dégage aussi un rythme harmonique qui peut ralentir ou accélérer dans une pièce, la pulsation restant inchangée. Ce n'est vraiment pas cohérent de le faire dépendre des valeurs métriques de la mélodie. J'ai souvent eu l'occasion de lire et analyser des pièces chorales destinées à la liturgie qui étaient conçues ainsi. De fait, cette conception ne prend pas compte le contrepoint. Ce défaut est, il me semble particulier à la France. Chez les allemands et les anglais, le contrepoint tient toujours une grande place dans l'enseignement musical.


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#7 05-09-2014 15:03:29

Daponte
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Re: [C48] unicité de l'harmonie dans une pulsation

Bonjour,

Je reviens avec un peu de retard sur cette discussion sur l'association harmonie/pulsation. C'est bien entendu pour moi aussi une découverte essentielle de la formation que nous suivons à Polyphonies.

Si je reviens sur les pièces que j'ai pu étudier jusqu'à maintenant dans les cours de composition (j'en suis au cours 45 sur la gavotte) il y a une question (peut être bête) qui me titille et qui m'amène à exprimer les choses sous un angle harmonie/pulsation/mesure. Je m'explique :
- l'Allemande (cf. invention à 2 voix du cours 41) est à la croche. La mesure est 4/4, chaque temps que l'on bat englobe donc 2 rythmes simples et donc deux harmonies.
- Le Menuet est la noire. Un rythme simple, un accord correspondent à un temps de chaque mesure.
- Même chose pour la Gigue à la noire pointée en 9/8.
- Pour la Sicilienne en 3/8 ce n'est pas à un temps mais à une mesure complète que correspond l'harmonie.
- Dans le cas de la Gavotte en 2/2 on retrouve la correspondance 1 accord par temps de la mesure.
Pour quelle raison l'Allemande n'est-elle pas écrite avec une rythmique (au sens solfégique) faisant correspondre chaque temps avec un rythme simple et une harmonie ?
De même le 3/8 aurait pu être remplacé par une mesure de type 6/8, 9/8, 12/8 pour avoir cette même correspondance.

En fait ce qui me trouble c'est le fait qu'il n'y ait pas systématiquement de lien entre la battue et le rythme simple qui nous permet de faire la correspondance avec l'harmonie ?
Et en élargissant je me pose la question : comment le compositeur appréhende t-il le choix de la mesure (au delà des considérations de jonctions serrées/larges comme abordées au niveau II mais en liaison avec la problématique que j'évoque) ?

Merci de vos éclaircissements.

Pascal

Cours 45 La Gavotte

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#8 08-09-2014 09:23:21

Jean-Luc
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Re: [C48] unicité de l'harmonie dans une pulsation

La mesure et la pulsation ont des fonctions très différentes en musique. La pulsation permet de rendre vivante la musique. La mesure a pour fonction de la calibrer d'un point de vue visuel pour en faciliter le jeu. Elle permet aussi de mettre en valeur ses structures formelles ou thématiques. Les musiques de tradition orale ont toujours une pulsation mais pas nécessairement une mesure (cf les musiques africaines anciennes). L'étymologie de ces deux mots nous permet de mieux en saisir le sens: pulsation, pulser, pulsion, pouls sont des mots de même racine. Le mot mesure parle de lui-même.

Dans toutes les pièces basées sur la danse, elles sont nombreuses à l'époque de Bach et pas seulement dans les suites, la pulsation est donnée par la rythmique de la danse. La relation mesure/pulsation à cette époque est conventionnelle. Les compositeurs ne se posent donc pas trop de questions concernant la pulsation. Il y a des conventions pour la mesure.  L'arrivée du métronome a changé la donne puisque ses battements concrétisent la pulsation. A partir du XIXème siècle, il y a donc une plus grande correspondance entre les deux.


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