Dans cette pièce, l’inspiration de la musique traditionnelle folklorique se superpose à un style mélodique particulier, et qui atteint ici sa perfection. Tout est exceptionnel dans cette musique taillée dans du cristal : la transparence et l’ambiguïté tonale de l’harmonie, la profonde originalité de l’instrumentation... Lire l’article
(né à Nagyszentmiklós (Hongrie), le 25 mars 1881
† à New York le 26 septembre 1945)
Jusqu’en 1888 : Belà Bartók prend ses premières leçons de piano avec sa mère, institutrice. Son père (Belà Bartók aîné) est directeur de l’école d’agriculture et joue du violoncelle. Il anime un orchestre amateur qui joue dans les cafés des environs. Il compose des morceaux populaires.
En 1888 : mort de Belà père.
En 1892 : Bartók se produit pour la première fois en public pour un concert de bienfaisance de l’école qui emploie sa mère. Il joue la Sonate Waldstein de Beethoven et une de ses compositions Le cours du Danube.
En 1901 : premier concert sérieux de sa carrière, à Budapest, au cours duquel il joue la sonate de Liszt.
En 1904 : création à Manchester de sa première ouvre importante Kossuth , poème symphonique, sous la direction de Hans Richter, qui désire mettre l’œuvre à son programme et souhaite la présence de Bartók. La création au Conservatoire crée un scandale, elle ne sera jamais rejouée du vivant du compositeur. L’œuvre est dédiée au révolutionnaire magyar Kossuth qui combattit les Hasbourg. On y entend une parodie de l’hymne national autrichien composé par Haydn.
A cette époque, Bartok découvre la musique des paysans hongrois « chacunes de nos mélodies populaires est un véritable modèle de perfection artistique ». Rencontre de Zoltán Kodáli avec qui Bartók va recueillir la musique folklorique hongroise.
En 1906 : Bartok et Kodáli publient leur premier recueil de folklore Vingt chansons paysannes hongroises. Par la suite, Bartók notera et enregistrera sur rouleau phonographique près de dix mille mélodies populaires hongroises, slovaques, roumaines, ukrainiennes, serbo-croates, bulgares, turques, arabes (sud algérien) ; travail d’une ampleur et d’une qualité scientifique sans précédent. Sa réputation de pianiste va croissant.
En 1907 : Bartók est nommé professeur au conservatoire de Budapest. Mariage avec Martha Ziegler, la fille d’un inspecteur de police.
En 1912 : il voyage avec sa femme en Allemagne, en Suède et en Norvège. Premières œuvres originales, par leur chromatisme inusité et par l’usage fréquent du contrepoint : Allegro Barbaro (pour piano), au rythme entièrement nouveau, fait date dans l’histoire du piano moderne : il est traité comme un véritable instrument de percussion et non de chant.
En 1913 : Bartók est en Afrique du Nord, puis en Suisse. De retour en Hongrie, il crée les Quatre pièces pour orchestre qui sont bien accueilies.
En 1918 : La création de son opéra Le château de Barbe-bleue assoie sa notoriété de compositeur. Il joue ses œuvres dans toute l’Europe, mais la Hongrie le boude encore. Bartók continue à enseigner au Conservatoire. Il commence à être estimé par l’élite musicale européenne.
En 1919 : « Les Six » le mettent à leur programme de concert. Pendant une dizaine d’années, il effectue de nombreux voyages en Europe et aux État-Unis.
En 1922 : Bartók est à Londres où il reçoit un très bon accueil. Il a retrouvé la violoniste Jelly d’Arianyi, un amour de jeunesse, pour laquelle il compose deux Sonates pour violon et piano qu’ils interprètent. En avril il est à Paris, où il est enfin célébré, pour un concert organisé par « La Revue musicale ». Il rencontre Ravel, Stravinsky, Szymanowsky, Satie, Poulenc, Auric etc.
En 1923 : il divorce, puis se remarie avec la pianiste Ditta Paztory, une de ses élèves, âgée de 16 ans.
En 1926 : Son Mandarin merveilleux est créé à Cologne ; c’est un ballet-pantomime aux rythmes sauvages rappelant Stravinsky et traduisant la fureur de Bartók devant le désastre politique de son pays. Grand succès en Europe.
En 1930 : il est honoré de la Légion d’honneur, et son livre sur la musique populaire hongroise est traduit en anglais. Il fait partie des personnalités du monde des arts, et participe à des congrès et des cénacles internationaux. Pour la première fois de sa vie, c’est l’aisance matérielle.
En 1936 : son chef-d’oeuvre, la Musique pour cordes, percussion et célesta est composé pour l’orchestre de chambre de Bâle.
En 1938 : création avec son épouse Ditta de la Sonate pour deux pianos et percussions. En solidarité avec les musiciens juifs frappés d’interdiction, Bartók refuse que sa musique soit éditée ou jouée et rompt avec la maison d’édition Unversal qui est nazifiée. Il demande qu’aucune de ses œuvres ne paraisse avec un titre ou des annotations en allemand, et demande à ce que ses œuvres fassent partie de l’exposition sur la musique dégénérée à Düsseldorf. Il interdit par testament que ses œuvres soient jouées dans des concerts ayant un rapport avec les nazis, et qu’aucune rue ou place ou monument ne porte son nom tant qu’il y aura une rue au nom de Hitler ou de Mussolini.
Décès de sa mère.
Pour accompagner les progrès de son fils Peter au piano, il écrit 153 pièces réunies sous le titre Mikrokosmos.
En 1940 : l’emprise nazie sur la Hongrie le pousse à s’expatrier : il accepte une invitation de la Columbia University et s’embarque pour New York. Compose pour Benny Goodman et Szigeti la Rhapsodie pour clarinette, violon et piano qui aura un immense succès dès sa création. Il passe contrat avec la maison d’édition Bossey and Hawkes.
En 1942 : « Jamais depuis que je gagne ma vie, je n’ai été dans une position aussi difficile » écrit-il. Ses pièces ne lui assurent pas le succès escompté. Sa bourse de la Comumbia University est maigre ; mais il refuse d’enseigner la composition malgré des propositions bien rémunérées. Les maisons d’édition ont suspendu leurs versements à cause de la guerre. Il ne se fait pas à la vie américaine. Ses amis et l’association des compositeurs américains l’aident : Menuhin lui commande la sonate pour violon seul, Koussevitzky le concerto pour orchestre. Il ressent les premiers symptômes de la leucémie. « Je dois partir et j’ai encore tant à dire » confie-t-il à son médecin.
En 1944 : la maladie est en rémission, et Bartók reçoit des subsides officiels, des droits d’auteurs, un nouveau contrat de six mois de la Columbia University. La Sonate pour violon est est un triomphe public, mais la presse est hostile.
En 1945 : Il reçoit des commandes, mais il est très faible à nouveau, et Ditta est très malade. Maladie nerveuse ; elle ne supporte plus rien, pas même son mari. Trop faible pour se lever, Bartók travaille au lit. Il fait le brouillon du Concerto pour alto, commandé par William Primrose. Il compose le Troisième Concerto pour piano, mais le 22 septembre, alors qu’il lui reste 17 mesures à achever, il est admis aux urgences de l’hôpital de Westside. Il meurt le 26 septembre.
"Il fallut quêter pour enterrer Béla Bartók" chantait Léo Ferré... En effet, c’est l’association des compositeurs américains qui paiera les funérailles.
Sa dépouille sera exhumée et rapatriée dans son pays natal, à Budapest en 1988.
"C’est chez les paysans que j’ai passé les heures et les jours les plus heureux de ma vie ; là, j’étais chez moi"
Béla Bartók reste l’un des compositeurs les plus emblématiques du XXème siècle. Dans une période où l’école dodécaphonique d’Arnold Schoenberg exerça son influence de façon hégémonique, il fut l’un de ceux qui rejetèrent cette esthétique nouvelle pour approfondir sa propre voie.
En ce début du XXème siècle, les limites atteintes par le système tonal suscitèrent les plus vives interrogations quant à l’avenir de la musique, et trois options s’offrirent aux musiciens comme autant de bouées de sauvetage :
le dodécaphonisme [1] qui reconsidérait les règles de composition et offrait une plus grande liberté aux compositeurs (Schoenberg, Berg, Webern)
le néoclassicisme [2] ensuite, qui préconisait un retour aux formes anciennes comme base commune à toute œuvre (Strauss, Ravel, Hindemith)
l’emploi de la musique folklorique enfin, qui se proposait de renouveler le langage par l’intégration de mélodies, harmonies ou rythmes propres aux musiques extra-occidentales ; un rafraîchissement venu de l’extérieur en quelque sorte, et une seconde jeunesse. Bartók fut de ceux-là.
Il s’intéresse très tôt aux musiques folkloriques de Hongrie et des cultures avoisinantes, lesquelles perdurent dans les régions rurales et se perpétuent au travers de manifestations populaires : fêtes, rites, scènes quotidiennes... Avec son ami Zoltan Kodáli, comme lui folkloriste, ils sillonneront leur pays, rouleaux de partition en main, dans le but de collecter les musiques populaires encore jouées dans les régions reculées. Ils consigneront une quantité invraisemblable d’airs, mélodies et chants folkloriques. Leurs travaux contribueront à sauver de l’oubli ce pan du patrimoine slave.
Les éléments folkloriques serviront toute l’œuvre de Bartók, mais seront intégrés à sa musique savante de diverses façons. Ils pourront être utilisés dans leur forme originelle, scènes, danses, chansons ou mélodies, préservés de leur contexte folklorique, et ne subissant de l’influence classique que l’orchestration (Images hongroises -1910, Danses transylvaniennes...). D’autres réalisations au contraire les dépouilleront de leur essence slave pour n’en garder que des éléments formels, dictant leurs structures aux œuvres ou leur fournissant un matériau de départ qui, travaillé par la science de l’écriture, deviendra presque méconnaissable ( les six Quatuors à cordes). Il réussit ici à assimiler le style de la musique populaire au point d’inventer naturellement des mélodies du folklore.
Ainsi, ses œuvres mélangent-elles la simplicité mélodique des chansons ou danses folkloriques avec la complexité d’une polyphonie maîtrisée. Le contrepoint dynamique participe à l’élaboration d’une œuvre pour le moins originale. "La plus grande partie, et la plus précieuse justement, du trésor de mélodies populaires recueilli, est bâtie sur les modes lithurgiques anciens ou sur le mode grec archaïque, voire même sur un mode encore plus primitif (dit pentatonique) et , en outre, fourmillant des formules rythmiques et des changements de mesure les plus libres et les plus variés..."
Aussi, afin de libérer la musique des modes majeur et mineur, il utilise donc ces anciens modes, et notamment le mode pentatonique [3]. La richesse modale de ces musiques le pousse à libérer quartes et quintes, axes de triton, et à user avec abondance des douze sons chromatiques. De même en ce qui concerne le rythme, il l